L’association pour la préservation du territoire et de l’environnement des riverains de la Rosette (APTERR) se bat depuis 5 ans, contre l’implantation d’un parc éolien, qui se situerait à proximité immédiate des villages de Mégrit, Trémeur et Trédias dans le canton de Broons, défigurant le cadre de vie et le paysage d’une zone traversée par la rivière la Rosette. L’ossuaire de Mégrit, l’église de Trémeur et la tour d’Yvignac, sites classés, seront particulièrement impactés. Il en serait de même pour certains lieux remarquables privés, tel le secteur de Rocherel, des demeures « châteaux, Manoirs et Domaines » et également la faune et la flore de la région.
Le pays de Broons est l’exemple type d’un territoire laissé à la merci des promoteurs éoliens. Dans ce canton à l’intérieur des terres, 50 éoliennes (en service, en cours de construction ou en projet), deviendraient les nouvelles balises de ce territoire au paysage totalement transformé.
Cette « éoliennisation » intensive succède ainsi à la désastreuse politique de destruction du bocage de nos campagnes des années 1980-2000. Nous commençons à prendre conscience des conséquences catastrophiques de cet arasement des haies bocagères, faudra-t-il aussi attendre 20 ou 30 ans pour faire le même constat concernant l’éolien industriel ?
L’absence de toute politique locale sur l’éolien – un développement anarchique.
Marqué par la ruralité, la population plutôt modeste, éloigné du littoral breton et de ses belles stations balnéaires touristiques (Saint-Malo, Dinard et Dinan), le canton de Broons est le territoire idéal pour les promoteurs éoliens.
Malgré un maillage ancestral important de villages, de hameaux et de lieux-dits clairsemés, la règle des 500 mètres de distance entre une éolienne et une habitation s’applique dans toute sa violence. Sur la moindre parcelle, pour peu qu’elle se situe au moins à 500 mètres d’une habitation, le danger d’implantation d’une éolienne est bien réel. Plusieurs terrains isolés permettent ainsi à des promoteurs de proposer la constitution de parc éolien.
Ce comportement de prédation s’explique par l’absence de tout schéma territorial local et donc de réflexion à l’échelle du territoire, favorisant ainsi cette frénésie de développement des énergies renouvelables. Certes, des schémas régionaux avaient vu le jour dans les années 1990-2000 mais ces derniers généralisaient tant les territoires que tous étaient éligibles hormis les centres-villes et le haut du Mont Saint-Michel !
Dans le modèle économique retenu, l’intérêt public de production d’énergie est confié à la sphère privée sur fond de bien-pensance éco-citoyenne pré-formatée. Pour autant, au lieu de chercher à arrêter des plans intégrant les enjeux environnementaux locaux, les pouvoirs publics ont laissé faire, certainement bien avisés par quelques lobbyistes, laissant le champ libre aux promoteurs. La chasse était ouverte !
Les maires des communes ont ainsi vu défiler les promoteurs éoliens vantant les mérites d’une énergie propre, moderne, dé-carbonée, éco-citoyenne et qui plus est, susceptible de rapporter d’importantes retombées financières dans un contexte de restrictions budgétaires. Bref le « green dream » !
C’est ce qui s’est produit sur notre territoire avec l’implantation d’un parc éolien sur un secteur qui n’avait pourtant pas été retenu comme susceptible d’accueillir des éoliennes par les élus de l’ancienne communauté de communes en raison de la proximité des villages et des hameaux
Le mal s’est aussi propagé aux communes environnantes avec la multiplicité des projets éoliens portés par de nombreux acteurs, souvent simples filiales françaises de groupes multinationaux.
Les autorités régionales ne prenant en compte que les parcs éoliens en service dans le cadre des études d’impact, ne perçoivent pas la nature anarchique de ce développement et l’ignorent. Leur prise en compte au cas par cas est donc contraire à la perception qui devrait être la leur d’un développement harmonieux et raisonné des territoires.
La démarche insincère des projets éoliens.
Tout commence par la proposition, uniquement au premier édile de la commune concernée, de procéder à une simple et informative étude de faisabilité. A ce stade aucune vue n’est présentée pour montrer l’impact des éoliennes sur le paysage. Le conseil municipal, qui n’a généralement pas été instruit sur les sujets éoliens, vote favorablement pour cette étude de faisabilité pensant qu’il ne s’engage à rien. Belle erreur ! Le poisson est ferré !
Le mécanisme se met en place. Les propriétaires terriens sont démarchés individuellement par des équipes rodées qui s’appuient sur la légitimité de la décision du conseil municipal et les retombées de cette énergie verte. Les promesses de bail emphytéotique sont signées. L’affaire est dans le sac !
Ce n’est qu’à ce stade que s’ouvre la communication vers la population et les communes qui bénéficieront de la vue de machines de 150 mètres de haut. Les riverains sont invités à des journées de présentation du projet éolien et non à des réunions publiques (jugées trop dangereuses par les promoteurs). Ces réunions sont menées par des technico-commerciaux rompus à l’exercice et aux éléments de langage percutants. Qui pourraient s’opposer à un projet aussi écologiquement vertueux ?
Une étude d’impact est conduite par le promoteur qui s’appuie sur des sociétés et cabinets qu’il rémunère et dont les conclusions, ô surprise, sont favorables au projet. Nous accorderons une mention spéciale dans ces études d’impact aux photomontages fournis qui éludent intelligemment l’habitat ou bien le noie dans des vues tellement larges que l’on distingue mal les éoliennes. L’étude paysagère conclut que la présence de plusieurs machines de 150 mètres de haut, ne crée pas de « lignes de rupture » (sic.). L’atteinte aux monuments historiques, peu nombreux dans la campagne et forcément dispersés, est également jugée acceptable.
Les services de la région qui ne se déplacent aucunement sur le terrain, (vraisemblablement par manque de temps), instruisent le projet à partir des documents fournis par le promoteur. Ils demandent quelques informations complémentaires et valident généralement le projet agrémenté de quelques recommandations. Ils diligentent une enquête publique (nous bénéficions encore d’une enquête publique en bonne et due forme pour le projet qui nous concerne mais elles se font dorénavant sur Internet).
A ce stade, seule une mobilisation et l’information par une association permet de contrebalancer pour la première fois les choses, sinon force est de constater que les personnes ne se déplacent guère, souvent par manque d’information. Qui de nos jours se déplace pour lire les arrêtés sur les panneaux d’affichage municipaux ou lit les pages d’annonces légales des journaux régionaux ?
En ce qui concerne le parc éolien de notre canton, l’enquêteur public a rendu assez logiquement, un avis défavorable au projet en mesurant bien l’ensemble des impacts négatifs.
Le paroxysme de l’hypocrisie de la démarche est atteint lors de l’examen du projet devant la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) de la préfecture placé sous la présidence d’un sous-préfet. Le quorum est de facto favorable au projet : les services de l’Etat ainsi que les deux représentants des syndicats éoliens ont le droit de vote ! Les élus siégeant adoptent des positions ambiguës, les retombées fiscales des projets étant importantes et les lieux d’implantation souvent jugés comme non emblématiques, même si les impacts pour les riverains ne sont pas totalement occultés. Les associations de défense des sites et des paysages sont minoritaires. Les associations de protection de l’environnement, engagées dans le soutien aux énergies renouvelables, ont également une position quelque peu ambiguë. Elles concèdent cependant l’importance de l’impact sur le cadre de vie des riverains.
A noter, une fois de plus, que les décideurs de la CDNPS ne se rendent pas sur place ni ne rencontrent la population. Seul le maire de la commune concerné s’exprime au nom de tout un territoire dépassant largement le périmètre de sa commune et ses prérogatives. Le promoteur éolien intervient devant la CDNPS pour présenter et valoriser son projet. Il met en avant l’acceptation de la population et la concertation (!) et minimise l’opposition. Notre association n’a bien sûr pas été invitée à intervenir donc aucune autre vision du projet n’a pu être présentée à la CDNPS, démocratie locale ? Fort du vote favorable de la CDNPS, le préfet peut donc en majesté signer l’arrêté d’autorisation du parc éolien.
La confusion entre intérêts privés et intérêt public.
Une des problématiques de fond du développement de l’éolien en France est la concession des responsabilités de production d’énergie de l’Etat à des sociétés privées. La confusion entre intérêts publics et intérêts privés est donc permanente.
Un premier exemple en est l’attitude du conseil régional de Bretagne qui met en avant l’importance de la production d’une énergie verte et ses enjeux stratégiques mais qui dans les faits ne pilote rien et se contente d’appuyer les projets éoliens sans pour autant avoir instruit quoique ce soit. Saisis sur ce sujet, les responsables régionaux mettent en avant la qualité des études d’impact réalisées par les promoteurs, l’analyse des services de l’Etat et enfin l’avis de la CDNPS. Nous avons déjà décrit l’objectivité du processus !
Un projet éolien se résume techniquement parlant à la simple location d’une parcelle de terre à un particulier (même si un socle de 400 à 500 m3 de béton sera construit) par une société privée. Cela échappe donc à la sphère publique. Les autorités communales se réfugient souvent derrière cet argument. Pour autant les communes dans un rayon de 15 kilomètres autour d’un projet éolien sont amenées à formuler un avis. Nouvelle confusion ! Cet « abandon responsable » de l’intérêt public par les services de l’Etat se retrouve dans le modèle économique éolien adopté en France.
En effet, un marché sur 10 ans de rachat à prix fixe de l’électricité produite par le parc éolien est passé entre la société éolienne et les services de l’Etat (en l’occurrence ERDF). Le prix de rachat est tellement intéressant (du simple au double), que les promoteurs se multiplient. C’est comme gagner à coup sûr à la loterie !
Dès lors, le promoteur a tout intérêt à mettre en place les éoliennes les plus puissantes possibles afin de rentabiliser au mieux son site sur 10 ans. Pourquoi mettre des machines de 60 mètres qui seraient plus acceptables et moins dégradantes pour le cadre de vie et les paysages mais produiraient 0.7 MWH alors que l’on peut implanter des éoliennes de 150 mètres produisant 2.4 MWH et même des engins de 200 mètres... C’est la course à la hauteur ! Toute règle de proportionnalité est donc à bannir : de 12 à 200 mètres de hauteur, la distance réglementaire reste à 500 mètres d’une habitation !
Seul le promoteur, opérateur privé, décide de la hauteur de ses machines. Les seuls freins existants sont dans une certaine mesure, les radars météo, de l’aviation civile et de la Défense. Les riverains, les élus, les services régionaux n’en décident pas. On se réfère à des études d’impact pour donner un semblant de contrôle !
La confusion, le mélange des genres, portent également sur le domaine des retombées financières. Alors que l’éolien est favorisé par des prix garantis défiant toute concurrence et payés par l’ensemble des consommateurs, les structures régionales, départementales et communales encaissent des retombées fiscales incroyablement profitables (par exemple, pour un parc de quatre éoliennes, environ 100 000 Euros pendant 10 ans pour une communauté de communes). Dans ce contexte, quelle est la valeur à accorder à un paysage ?
Il reste tout de même quelques espoirs.
La mobilisation des associations nationales et locales de défense des cadres de vie, des paysages et des sites est non seulement légitime mais à ce stade, demeure la seule solution pour contenir ce tsunami éolien.
Le combat peut paraître totalement déséquilibré actuellement, concernant notre recours en première instance par exemple, le juge administratif a reconnu les impacts forts du projet mais conclut que tout cela est réglementaire ! Un début de prise de conscience des élus nationaux, régionaux et locaux semble poindre. Les récentes déclarations de la ministre de la Transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, au sujet du besoin d’un développement maîtrisé et plus cohérent de l’éolien terrestre, permettent d’entrevoir quelques espoirs.
Demeurera la question de la proportionnalité des projets et de leur distance par rapport à l’habitat et les sites. Il conviendra également de réfléchir sur la notion de valeur d’un paysage et de sa quantification. Une chose est certaine, si on laisse ces enjeux aux promoteurs éoliens et non à la sphère publique, nous en connaissons déjà les réponses.
Le Bureau de l’APTERR