L’heure va bientôt sonner qui sera celle de l’inauguration de la place du marché, la place de la République nouvellement aménagée. Alors que la halle en béton et pavés de verre de l’ingénieur bellifontain Nicolas Esquillan (1902-1989) – qui entre autres ouvrages était rappelons-le, co-auteur du pont de Tancarville et de la voûte du CNIT à la Défense – tombait en 2013 sous les coups des pelleteuses, un plan d’aménagement était présenté par la mairie de Fontainebleau. Si le projet remplaçant la halle avait été élaboré par des urbanistes ou des paysagistes talentueux, nous aurions pu espérer que cette destruction irréfléchie soit en partie compensée par une création de qualité, digne de Fontainebleau. Mais, en fait, on le constate aujourd’hui, il a été essentiellement conçu par des « techniciens ».
Grande est donc notre déception ! Ça et là des blocs de béton ont envahi l’espace concerné. Ces volumes abritant des infrastructures nécessaires dans le cadre des activités du marché (alimentation en eau et en électricité), auxquels s’ajoutent ceux absolument démesurés bordant les entrées des parcs souterrains, occupent une partie considérable de l’espace alors devenu essentiellement minéral, nu et stérile, tandis qu’un peu plus loin la cage de l’ascenseur, qui ressemble à une géante cabine téléphonique, surgit et attire les regards. Et c’est un comble : a-t-on perdu la raison nous demandons-nous, quand nous apprenons (lire Le Mag n° 60, mars-avril 2017) que les dallage en pierres naturelles fort coûteux (qui là encore ne sont pas en grès de Fontainebleau) dont on a venté les qualités « seront recouverts d’un enduit de protection permettant d’éviter l’incrustation des saletés » !
Côté végétalisation, si l’on peut dire, le parking souterrain n’a permis de mettre en place le long du passage couvert, que quelques arbres plantés dans des pots en matière synthétique, gigantesques et qui s’imposent par leur médiocrité, tandis que dix arbres ont été plantés en périphérie. Les concepteurs ignorent ici certainement les besoins réels des arbres. Il faut savoir en effet qu’un arbre adulte, tels que ceux de notre forêt par exemple, absorbe 500 litres d’eau par jour. Or, on a recouvert leurs racines avec des planches bien jointives afin d’être certains qu’elles ne pourront pas recevoir l’eau de pluie ! Et cette eau de pluie, qui aurait pu être si bénéfique, ne sera nulle part utilisée ni absorbée par le sol et, au surplus, posera des problèmes d’évacuation. On préfère donc arroser avec de l’eau que l’on paye, plutôt qu’avec celle – pourtant la meilleure pour les végétaux – venue du ciel, environ 600 litres par m2 et par an à Fontainebleau.
Le spectacle désolant qui s’offre à nous aujourd’hui, place du marché, renforce la tristesse née de la disparition de la halle d’Esquillan, création originale du XXe siècle, qui, à peu de frais, aurait pu être restaurée. Mais voilà, à Fontainebleau, une fois de plus, au lieu de réfléchir avant, on réfléchit après !
Yves Delange, maître de conférences émérite au Muséum national d’histoire naturelle