La protection des intérieurs en secteur sauvegardé est l’une des dispositions emblématiques du droit du patrimoine culturel français et, à ce jour, son point le plus avancé.
Les travaux parlementaires de la « loi Malraux » sont sans ambigüités sur la nécessité de protéger les intérieurs et notamment des « boiseries », tandis que les plans des secteurs sauvegardés précisent souvent, à l’instar de celui du Marais à Paris, que « toute modification d’éléments d’architecture et de décorations intérieures anciens, est soumise à autorisation de l’Architecte des bâtiments de France ».
Si aujourd’hui l’ordonnance du 28 juillet 2005 modifiant la loi Malraux précise bien que sont protégées des « parties intérieures d’immeubles », un décret du 5 janvier 2007 prévoit que ne sont soumis à autorisation de l’Architecte des bâtiments de France que les travaux ayant « pour objet ou pour effet de modifier la structure du bâtiment ou la répartition des volumes » (art. R. 421-15 du code de l’urbanisme), ce qui n’a que peu d’intérêt pour le patrimoine.
Le professeur Pascal Planchet déplore ainsi que « les textes ne prévoient aucune forme de contrôle des travaux intérieurs de moindre importance. »Selon lui, « le pouvoir réglementaire a considéré, implicitement mais nécessairement, de façon discutable, que ces interventions ne représentaient pas un « travail ayant pour effet de modifier l’état des immeubles » » (Droit de l’urbanisme et protection du patrimoine, Paris, Le Moniteur, 2009, p. 249)
Supprimer des sols, des boiseries, des cheminées, des corniches anciens, décaper des plafonds peints devient par conséquent possible sans autorisation. La loi Malraux se trouve en quelque sorte vidée de sa substance, ce qu’un décret ne peut en principe pas faire, à moins d’être illégal…
Les incitations, toujours plus pressantes, en faveur de l’isolation des bâtiments anciens, jointes à la facilité que constitue l’emploi du « placoplâtre », rendent aujourd’hui les menaces sur les décors intérieurs d’autant plus manifestes, comme cela a été signalé par plusieurs délégués de l’association.
La SPPEF a, par conséquent, demandé à la ministre de la culture le rétablissement de la pleine portée de la loi sur les secteurs sauvegardés.
Plus que ce rétablissement, et dans le but d’en renforcer l’effectivité, la SPPEF souhaite également que la protection des immeubles désignés comme étant « à conserver » dans les plans de sauvegarde puisse être précisée lorsque cela et nécessaire. Un propriétaire devrait ainsi pouvoir faire inventorier par l’architecte des bâtiments de France un décor immobilier remarquable, pour annexion au plan de sauvegarde, selon une procédure simplifiée (arrêté préfectoral pris après consultation de la commission locale des secteurs sauvegardés par exemple). Quel plaisir de savoir que ce que l’on a aimé et parfois restauré à grands frais sera transmis ! Cet inventaire serait susceptible d’être enrichi à l’occasion de chaque demande d’autorisation portant sur un intérieur afin de parvenir, à terme, à définir finement les obligations des propriétaires en secteur sauvegardé.
La SPPEF plaide également en faveur d’une publicité de cet inventaire (plafonds peints, boiseries…) - en rendant anonyme certaines données - à l’instar de ce que les textes prévoient pour les objets mobiliers classés (mise en ligne sur une base de données de type Palissy). La publication de photographies des décors intérieurs immeubles par nature ou par destination nous semble en effet de nature à permettre, sans inconvénient pour les propriétaires et pour le plus grand profit des communes concernées, une accessibilité originale à un patrimoine national.
Paris, le 25 janvier 2013
Pour une étude sur cette question, voir "Les PSMV protègent-ils toujours les intérieurs ?", Sites & Monuments n°219, 4e trim. 2012, p. 35-39.