Projet de loi 3Ds : n’affaiblissons pas la protection des allées d’arbres !

Deux revendications principales sont portées par 22 associations dans le cadre de l’examen de la loi 3Ds :

 le maintien de l’application de l’article L. 350-3 du code de l’environnement à toutes les allées, publiques comme privées (d’autant que la jurisprudence a déjà consacré l’usage du texte dans cette circonstance - Voir notre prix des Allées d’Arbres décerné en 2020 au château de Clarques) ;
 la suppression de la possibilité introduite d’abattre pour un simple projet d’"aménagement" (le texte actuel évoque les seuls "projets de construction") ou, du moins, conditionner cet abattage à la démonstration préalable de l’absence de solution alternative, de la réduction a minima des dommages et à leur compensation effective (séquence "éviter, réduire, compenser").

Sites & Monuments a écrit aux députés (voir ci-dessous) afin de leur signaler la nécessité de maintenir le champ d’application et le caractère effectif des protections de l’article L. 350-3 du code de l’environnement.

Les allées d’arbres qui bordent les voies de communication, privées ou publiques, sont protégées depuis 2016 par l’article L. 350-3 du code de l’environnement protège. Avec son article 62, le projet de loi 3Ds qui sera examiné à partir du 6 décembre à l’Assemblée nationale fait reculer sans raison cette protection.

Courriel adressé aux députés le 9 novembre 2021.

22 associations citoyennes et professionnelles demandent que toutes les allées d’arbres, publiques comme privées, continuent à être protégées, et que cette protection soit garantie, en appliquant le principe de base du droit de l’environnement : « éviter, réduire, compenser » les atteintes aux allées dans les cas de dérogation à la protection.

La protection existante : inspirée des bonnes pratiques européennes

L’article L. 350-3 du code de l’environnement protège les allées d’arbres depuis 2016. Il suit les recommandations du Livre blanc « Infrastructures routières : les allées d’arbres dans le paysage » basé sur les meilleures pratiques européennes et publié par le Conseil de l’Europe dans le cadre des travaux de la Convention européenne du paysage : ainsi, la protection s’applique à toutes les allées d’arbres et elle est fondée conjointement sur leur valeur culturelle, leur valeur pour la biodiversité, et leur valeur en terme d’aménités (valeur paysagère, stockage carbone, réduction des températures etc.).

Présentation, dans Sites & Monuments n°227 (2020), du prix accordé au propriétaire du château de Clarques (Pas-de-Calais) pour la défense de son allée d’arbres par l’usage de l’article L. 350-3 du code de l’urbanisme.
  • L’art. 62 du projet de loi supprime la protection des allées privées, notamment de celles qui ne sont pas ouvertes à la circulation publique

L’art. 62 du projet de loi 3Ds (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification) modifie le champ de protection de l’art. L. 350-3 en substituant à l’expression « voies de communication » celle de « voies ouvertes à la circulation publique » au motif que la première n’est pas définie juridiquement.

Pourtant, la jurisprudence montre que les juges n’ont pas eu de problème d’interprétation.

Par contre, ce changement de vocabulaire a pour conséquence d’exclure les voies privées non ouvertes à la circulation publique, aujourd’hui protégées par l’article L. 350-3 du code de l’environnement (voir l’arrêt de la Cour d’appel de Douai CA Douai, ch. 1 sect. 2, 25 avr. 2019, n° 18/02409)

L’abattage pur et simple de l’allée ci-dessous par son propriétaire ou l’élagage drastique au droit de la limite de la propriété riveraine (préjudiciable au maintien de l’allée) sont aujourd’hui impossibles en vertu de l’art. L. 350-3.

Si l’art. 62 conserve la notion de voies « ouvertes à la circulation publique » cette allée (et d’autres) est clairement menacée, et aucun autre outil de protection réglementaire ne pourra se substituer au L. 350-3 : l’identification de l’allée en Espace Boisé Classé dans le Plan Local d’Urbanisme (art. L. 130-1 du code de l’urbanisme) empêche l’abattage, mais n’empêche pas l’élagage drastique. En outre, on se heurte aux limites de tous les régimes de protection hors L. 350-3 du code de l’environnement : leur application est à la discrétion de la commune qui, en l’occurrence, a choisi de ne pas identifier l’allée comme Espace Boisé Classé dans son PLU.

Or la contribution des allées privées à l’intérêt général est la même que celle des autres allées : par leur qualité de biotopes et de corridors écologiques, et par leur qualité de marqueurs dans le paysage notamment.

Allée d’arbres privée du château de Clarques (Pas-de-Calais) préservée par son propriétaire de demandes d’élagage drastique grâce à l’article L. 350-3 du code de l’environnement.

En outre, du point de vue historique et culturel, le distinguo entre allées privées et allées publiques est un non-sens.

  • L’art. 62 du projet de loi étend les possibilités de dérogation, sans obligation, en contrepartie, de chercher d’abord à éviter et réduire les atteintes aux allées

L’art. 62 du projet de loi étend les possibilités de dérogation en substituant au cas des « projets de construction » celui des « projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements », sans demander au pétitionnaire d’apporter la preuve qu’il aura tout mis en œuvre pour éviter les abattages ou les dommages aux arbres ou pour les minimiser, comme il est d’usage dans le droit de l’environnement (séquence Eviter-Réduire-Compenser : éviter les atteintes, réduire les atteintes qui n’ont pu être évitées, compenser celles qui n’ont pu être ni évitées ni réduites).

La jurisprudence montre que les juges ont bien fait la distinction entre projets de construction et projets d’aménagement de l’espace public : l’évocation de l’article L. 350-3 a ainsi permis de préserver des centaines d’arbres de projets d’aménagement non nécessaires.

Si l’art. 62 ne revient pas aux dispositions actuelles et s’il n’oblige pas à d’abord éviter les abattages, nous savons que des arbres, dont au moins une centaine de platanes vieux de près de 200 ans, seront abattus.

Si l’art. 62 ne limite pas les dérogations à l’abattage et non aux atteintes aux arbres, les aberrations se multiplieront.

22 associations citoyennes et professionnelles demandent le retour à une protection efficace de toutes les allées

Allée d’arbres privée du château de Clarques (Pas-de-Calais) préservée par son propriétaire de demandes d’élagage drastique grâce à l’article L. 350-3 du code de l’environnement.

En octobre 2021, 22 associations citoyennes et professionnelles, spécialistes des arbres et des allées d’arbres, du patrimoine, du paysage et de l’environnement ont demandé à Madame Pompili de garantir une protection forte et efficace de toutes les allées, publiques et privées, en assortissant les dérogations d’une obligation de chercher d’abord à éviter les atteintes aux allées, de réduire les atteintes qui ne peuvent être évitées (avant de compenser les atteintes qui n’auront pu être ni évitées ni réduites) : ALLÉES-AVENUES /allées d’avenir /, Cabinet All(i)ée, A.R.B.R.E.S., Mission Bocage, Groupement des Experts-Conseils en Arboriculture Ornementale, Comité des Parcs & Jardins de France, ICOMOS France, Sites & Monuments, Patrimoine-Environnement, Vieilles Maisons Françaises, Maisons Paysannes de France, Association des Parcs et Jardins de Lorraine, Association des Paysagistes Conseils de l’État, Fédération française du Paysage, Paysages de France, Paysage de l’après-pétrole, l’institut européen Jardins et Paysages, Volubilis, Ligue de Protection des Oiseaux, Amis de la Terre, ASPAS, Noé Conservation.

A quelques jours de l’examen du projet de loi 3Ds à l’Assemblée nationale, elles réitèrent leur demande au gouvernement et aux députés.

Chantal Pradines - Cabinet All(i)ée - Tél : 0329067850 / 0608502134 / chantal.pradines@centraliens.net

Lire le communiqué en pdf

Démarche soutenue par le Groupe National de Surveillance des Arbres (GNSA), qui a mis en place une pétition.