Le piémont du Canigou, montagne "sacrée" des Catalans, phare de la Méditerranée
Ce piémont, aussi appelé les « Aspres », est une succession de collines grimpant doucement vers la montagne « sacrée » des Catalans, le Mont Canigou. Lieu mythique, le massif est lui-même labellisé « Grand Site de France » et protégé comme tel (voir ici).
L’on voit bien, par la mise en scène de ce paysage extraordinaire, combien le massif fait scène, décor et spectacle, son piémont faisant orchestre et les chaînes collinaires de part et d’autre balcons :
Ainsi, comme dans un théâtre à l’italienne, le massif est indissociable de son piémont, qui est l’espace de transition entre la mer et la montagne.
Quant aux balcons, ils accentuent cet effet théâtral, offrant une mise en scène paysagée unique en France.
On l’appelle aussi, en raison de son vallonnement, la petite Toscane. Pour l’instant ce piémont est préservé.
Malgré ce caractère emblématique, des opérateurs de l’énergie veulent exploiter le piémont du Canigou et ses balcons : 12 projets ont été déposés pour 92 éoliennes de 120 à 220 m de haut.
Dès lors que l’on prend une vue d’ensemble, à l’échelle du Piémont tout entier, au-delà du strict périmètre du syndicat mixte assurant la gestion du Grand Site, il apparaît clairement inopportun de laisser prospérer de tels projets dans un massif aussi singulier.
Les premières indications reçues des services de l’Etat confirment que de tels projets dénatureraient le sens profond du massif, compte tenu des co-visibilités et inter-visibilités fortes qu’ils généreraient et nuiraient au développement culturel et touristique du Grand Site dans son ensemble.
Parmi les lieux emblématiques directement impactés, à titre d’exemples, parmi d’autres :
• Le secteur de la bataille du Boulou :
Avant
Après
• Un haut lieu culturel et religieux, le prieuré de Serrabone avec ses éoliennes (simulation) :
Autres lieux impactés, le village médiéval de Castelnou (dont le château vient d’être acquis par le Conseil Départemental), le monument historique « Monastir del Camp » et d’autres sites remarquables parmi lesquels les sites Unesco de Villefranche de Conflent et de Fort Libéria et, plus à l’ouest, la ville forteresse de Mont-Louis classée au Patrimoine Mondial.
Ci-dessus, sont mis en évidence des cônes de vue remarquables qu’il convient absolument de préserver : 6 des parcs s’y trouveraient malheureusement... Il s’agit des vues offertes depuis Perpignan, Argelès sur Mer, Elne ou le lac de Villeneuve de la Raho, sites très fréquentés. Cet impact paysager serait très négatif pour le département des Pyrénées-Orientales et pour son attractivité. Le conseil départemental a ainsi voté, à l’unanimité, le 18 décembre 2017, une motion demandant un moratoire sur l’ensemble de ces projets.
L’Avis de l’Autorité environnementale d’Occitanie portant sur le premier projet en cours d’autorisation, émis le 21 mars 2019 (n° de saisine 2018-6075), relève que, « par sa nature, son échelle et la visibilité de ses installations, le projet induit une modification importante du paysage ». Elle souligne également que le projet « s’implante dans un secteur actuellement vierge de toute éolienne. Ainsi, [il] peut marquer l’ouverture d’un nouveau secteur à l’implantation d’autres projets industriels éoliens, à plus ou moins grande proximité du périmètre du Grand Site de France du Canigou. L’étude n’évalue pas le risque de mitage à l’échelle du grand paysage : La MRAe recommande que ce point soit étudié et complète l’étude paysagère. »
Site remarquable abritant une faune et une flore remarquables, l’avis de la MRAe pointe un « dénombrement [qui] apparaît sous-estimé »...
C’est donc dans une vision globale du pays que Sites & Monuments a proposé au Préfet des Pyrénées-Orientales de participer aux « réflexions sur les sensibilités paysagères du département à l’éolien » menées par les services de l’Etat.
Le PNR des Corbières-Fenouillèdes, un sanctuaire de biodiversité et des paysages remarquables
Autre lieu remarquable à protéger, un peu plus au Nord : le futur PNR des Corbières-Fenouillèdes, trésor de biodiversité comportant lui aussi des paysages spectaculaires et emblématiques, un patrimoine géologique remarquable, comme des sites et monuments classés candidats au patrimoine mondial de l’UNESCO, telles les "Citadelles du Vertige", fameux châteaux cathares.
La forte identité paysagère et environnementale de ce territoire, à cheval sur l’Aude et les Pyrénées-Orientales, est là encore incompatible avec un développement industriel éolien, au-delà des implantations déjà réalisées apparaissant aujourd’hui comme autant d’erreurs regrettables, notamment les 18 éoliennes du Mont Tauch.
Le projet de Parc naturel régional ne prendra tout son sens que s’il est désormais mieux tenu compte de ces ensembles paysagers à fort caractère : un territoire comportant des paysages spectaculaires et emblématiques, des châteaux et forteresses témoins de son histoire, une géologie complexe et remarquable, sans oublier sa richesse botanique et faunistique, qui ont peu d’équivalent en France.
« Faire de la haute valeur patrimoniale préservée et reconnue des Corbières-Fenouillèdes, un moteur de développement » est du reste le défi n°1 évoqué par la Charte du futur Parc naturel régional.
C’est donc un territoire qu’il convient de ne plus abîmer, qui est déjà « à énergie positive » et n’a pas vocation à alimenter la voracité énergétique des grandes villes (si tant est que les éoliennes puissent y remédier)...
Au même titre que le Piémont du Canigou, et en continuité avec lui, le futur PNR des Corbières-Fenouillèdes a ainsi vocation à être intégré dans les « réflexions sur les sensibilités paysagères du département à l’éolien » lancées par la Préfecture des Pyrénées-Orientales. Un courrier sera adressé dans ce but au Préfet de l’Aude.
Jérôme Riera de Castells, collectif Toutes Nos Energies - Occitanie Environnement
Kevin Jeanroy, collectif Toutes Nos Energies - Occitanie Environnement
Bruno Ladsous, délégué régional de Sites & Monuments pour l’Occitanie