On se souvient de l’absence d’acquisition, en mai 2016, de deux fauteuils commandés pour le château de La Roche-Guyon, couverts d’un rare tapis de la savonnerie à fond jaune, meublant, vers 1900, le petit salon du château (voir ici) puis, le 15 novembre 2017, du fameux bureau attribué à Bernard Van Riesen Burg 1er, autrefois présenté dans son grand salon (voir ici).
Trois sièges provenant du château étaient vendus, quelques jours plus tard, le 28 novembre 2017, chez Christie’s (voir ici), dans une vente intitulée "The exceptional sale", qui comprenait également un buste du prince Murat par Canova, vendu 4 320 000 euros, dont l’absence de reconnaissance comme trésor national fut critiquée (voir ici).
Pourtant, l’impécuniosité de l’Etat pourrait être compensée par des achats avisés. Une occasion se présentait avec les trois sièges de Nadal l’Aîné attribués au château de La Roche-Guyon sur la seule foi d’une tradition familiale.
Pourtant, ces sièges figuraient, avec une garniture proche, sur les photographies prises autour de 1900 du mythique grand salon du château, que l’Etat, la région Île-de-France et le département du Val-d’Oise tentent de remeubler depuis le retour des tapisseries de l’Histoire d’Esther, en 2000 (achat à la vente Lagerfeld), et de ses chenets attribués à Pitoin (dation Safra), en 2011.
L’identification devenait patente sur une carte postale des années 1930 montrant le dos du fauteuil. L’auteur de ces lignes communiqua naturellement ces éléments aux différents services compétents du ministère de la Culture, 13 jours avant le vente, en insistant sur l’intérêt du rachat des derniers éléments non classés du grand salon et sur l’opportunité de profiter du caractère incomplet de la notice du catalogue.
Comme cela était prévisible, les trois sièges se vendirent mal, soit 22 000 euros (27 500 euros avec les frais), sur une estimation de 30 000 à 50 000 euros. A ce prix, et compte tenu du délai de presque 15 jours pour s’organiser, un achat pouvait être réalisé par l’Etat ou les collectivités locales en charge de l’EPCI de La Roche-Guyon.
Reconstituer la stratification d’époques présentes dans l’iconique grand salon autour de 1900, et probablement depuis l’origine, en s’appuyant sur le mobilier classé en 1945, qui y reviendra nécessairement un jour, est pourtant à portée de main.
A y regarder de plus près, ces trois sièges avaient, en outre, la particularité de posséder, sous leur peinture blanche, déjà présente vers 1900, une laque uniformément rouge - particularité rare - dont tout laisse à penser qu’elle pourrait être celle d’origine.
On promet, au ministère, à l’issue de cette troisième occasion manquée en moins de deux ans, d’élaborer un plan minimal de remeublement de ce qui fut probablement la plus merveilleuse des résidences aristocratiques de l’Ancien Régime à avoir traversé la Révolution. A suivre...
Julien Lacaze, vice-président de Sites & Monuments
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