Le journal Le Monde n’ayant pas souhaité, malgré nos sollicitations, publier la réponse de notre correspondante à l’article de son envoyé spécial intitulé « Les éoliennes citoyennes de Plélan-le-Grand », nous en reproduisons le texte ici.
Le Monde a publié le 7 février 2019 « Les éoliennes citoyennes de Plélan-le-Grand » de Benjamin Keltz (voir ici). Celui-ci consacre un article enthousiaste à Patrick Saultier, chef d’entreprises, élu de Plélan-le-Grand (Ille-et-Vilaine) et aux 6 éoliennes de la société Brocéliande Energies Locales. Dans un paysage résolument plat, le journaliste s’enflamme et évoque une « campagne aux formes généreuses ». Il n’est pas le premier ébahi à la vue de ce « parc de six engins ». Déjà, le 29 mars 2015, Arnaud Gonzague, saisi d’un élan lyrique, écrivait pour L’Obs : « A deux pas de la forêt de Brocéliande, où l’enchanteur Merlin a, dit-on, été enterré, six drôles de fleurs à longues tiges battent le vent. » Sur le sujet, la communication massive la plus infantile est validée comme information, sans investigation. Les éoliennes de Plélan-le-Grand sont l’un des marronniers les plus grotesques qu’un certain lectorat citadin adore.
Or, un « parc de six engins » est loin d’être une aire de jeux. Les riverains qui en souffrent, et dont l’association locale a été ignorée, ne sont pas des trouble-fête. Les 6 aérogénérateurs de 140 m de haut constituent une installation industrielle classée pour la protection de l’environnement (ICPE), à sécuriser par une clôture interdisant l’approche des visiteurs dans la zone de ruines (dans un rayon de la hauteur de l’éolienne), en raison du danger de bris de pales et de projection de glace. Elles ont un impact fort sur l’environnement, de jour et plus encore de nuit, pour plus de 20 ans, et leur multiplication est en passe de défigurer la France.
Mais, nul doute pour B. Keltz, ce parc de 6 engins « couvre les besoins de la commune » ; « elles produisent 25 millions de KWh/an ». Sachant que le facteur de charge moyen en Bretagne a été de 19,9% en 2018, on se demande bien comment les machines de Plélan auraient permis l’autosuffisance, en supposant que le courant puisse être consommé localement, ce qui n’est pas le cas.
Soyons sérieux. Parler de « parc citoyen » est une duperie. Les 12 propriétaires plélanais ont investi entre 6000 et 12 000 euros dans un projet de 18 millions d’euros dont la société Elicio (Belgique) est l’actionnaire principal. Le Conseil Régional a ajouté 50 000 euros dans la cagnotte. Qu’a donc de « citoyenne » cette épargne qui bénéficie d’un revenu garanti, grâce à l’obligation d’achat payée par la CSPE (contribution au service public de l’électricité), taxe maintenue et plafonnée, payée par le consommateur d’électricité, et par la taxe carbone (Contribution Climat Énergie) payée par le consommateur de combustible et de carburant ? En quoi est-il « écolo-citoyen » et « rêveur » ce chef d’entreprises dont Le Monde dresse l’hagiographie ? A notre connaissance, il est bien rémunéré pour plusieurs sociétés du secteur des énergies renouvelables parmi les 5 dont il est mandataire : Brocéliande énergies locales, Île de Sein énergies IDSE, Plélan soleil, Prospect aménagement et Enercoop Bretagne.
Vive le vent, mais ce n’est sans doute pas pour la planète !
Anne-Marie Robic, déléguée en Bretagne de Sites & Monuments