Le 4 décembre 2023, sept associations ont adressé à Monsieur Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, madame Rima Abdul Malak, ministre de la Culture et madame Anne Hidalgo, maire de Paris, une demande de placement sous instance de classement et d’expropriation pour cause d’utilité publique du jardin, des chapelles et de la ferme urbaine du monastère de la Visitation à Paris.
Nous livrons ci-dessous de texte de notre lettre commune, illustrée pour l’occasion.
C’est un véritable désastre, conduit par l’archevêché de Paris, qui attend ce lieu unique et hors du temps à Paris, célébré par Emile Zola.
La DRAC Ile-de-France se rendra sur place le 18 décembre 2023.
JL
Un permis de construire a été délivré sur les bâtiments du monastère de la Visitation implantés sur une parcelle traversante située entre les 110-110B rue de Vaugirard et le 93 rue du Cherche-Midi à Paris. Ce permis, à l’issue de différents recours, a été jugé conforme à l’actuel PLU de Paris et une entreprise de démolition établie sur le site pour des travaux préparatoires.
Ce monastère, fondé en 1819 dans l’hôtel de Clermont-Tonnerre, construit vers 1775, comprend plusieurs extensions réalisées au cours du XIXe siècle pour accueillir l’ordre cloîtré de la Visitation.
Il s’agit d’un ensemble monacal exceptionnellement conservé, y compris pour son mobilier, et dépourvu de toute protection opposable dans le PLU. La parcelle du monastère y est simplement "signalée pour son intérêt patrimonial, culturel ou paysager", mais à titre de simple "information", sans appartenir pour autant aux bâtiments protégés par le PLU au titre de l’article L. 123-1 7° du code de l’urbanisme.
Le projet actuel, consistant à démolir 2400 m2 de plancher pour construire 5836 m2 de plancher (soit un gain de 3400 m2), entraînerait notamment la destruction de son infirmerie (1879), de sa boulangerie (1889), de sa blanchisserie (1897) et des oratoires de son jardin (antérieurs à 1867), privant le monastère de sa cohérence fonctionnelle.
Seraient également détruits, en fond de parcelle, rue du Cherche-Midi, des bâtiments agricoles, dont un poulailler-clapier (1886) et une ancienne vacherie, rare témoignage de l’élevage à Paris. Ce beau bâtiment en brique, élevé en 1886 et décrit la même année par Emile Zola, a la particularité d’enjamber une chapelle néogothique édifiée plus anciennement, qui s’y trouve comme enchâssée.
La façade sur jardin de la vacherie est prolongée d’une élégante claustra ajourée destinée à préserver l’intimité des Sœurs, tout en laissant passer la lumière et voir les arbres, tandis que le mur de la rue du Cherche-Midi, sur lequel s’adosse la vacherie, est celui du jardin de l’ancien hôtel de Clermont-Tonnerre, comme en témoignent deux beaux pilastres cannelés en pierre de taille d’époque Louis XVI.
Sur l’emprise végétalisée d’environ 5500 m2 du monastère, seule une superficie de 4000 m2 est inscrite dans le PLU comme « espace vert protégé ». Le reliquat sera utilisé, avec l’emprise des bâtiments historiques détruits, pour accueillir différentes constructions mal intégrées à leur environnement et coupant le jardin de la ville en l’encavant. Vingt-et-un arbres anciens seraient en outre abattus pour réaliser les travaux, s’ajoutant à vingt-deux « abattages sanitaires ».
Le jardin, ainsi amoindri, comportera un petit « square » ouvert au public et sera divisé, pour le surplus, entre les différents bâtiments construits à sa périphérie, à l’image de la regrettable division du jardin des pères Lazaristes situé de l’autre côté de la rue du Cherche-Midi (square du père Armand David créé en 2018 ; EHPAD Antoine Portail). Or, au-delà de projets ponctuels, même d’intérêt général, il est impératif de conserver à Paris de grands espaces naturels d’un seul tenant ouverts aux Parisiens et sur la ville (dent creuse ménageant des vues et permettant une circulation de l’air).
Le contexte de crise climatique et d’effondrement de la biodiversité impose de réagir pour créer de nouveaux jardins publics dans notre capitale chaque fois que cela est possible. Nous demandons, par conséquent, le placement de la parcelle du monastère (AZ 26) sous le régime de l’instance de classement afin que son expropriation pour cause d’utilité publique - totale ou partielle - puisse être poursuivie par la ville de Paris avec l’aide financière de l’Etat (« Fonds vert » notamment).
L’article L. 621-18 du code du patrimoine prévoit en effet que « L’autorité administrative peut toujours, en se conformant aux prescriptions du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, poursuivre au nom de l’Etat l’expropriation d’un immeuble […] soumis à une instance de classement, en raison de l’intérêt public qu’il offre au point de vue de l’histoire ou de l’art. Les collectivités territoriales ont la même faculté. » Réciproquement, l’article L. 621-19 du code du patrimoine prévoit, qu’« À compter du jour où l’autorité administrative notifie au propriétaire d’un immeuble non classé au titre des monuments historiques son intention d’en poursuivre l’expropriation, tous les effets du classement s’appliquent de plein droit à l’immeuble visé. Ils cessent de s’appliquer si la déclaration d’utilité publique n’intervient pas dans les douze mois de cette notification. […] »
Nous rappelons, en outre, que l’expropriation est d’utilité publique lorsque celle-ci permet la création d’espaces verts, à plus forte raison dans une capitale carencée comme Paris. Nous souhaitons ainsi la création d’un jardin public sur toute la parcelle qui, à l’instar du jardin Catherine Labouré, respecte l’esprit monastique des lieux, comme les bâtiments de la ferme urbaine.
Les sommes recueillies permettront à l’archevêché de Paris, propriétaire du monastère depuis quelques années seulement, de poursuive son projet locatif et social en un autre lieu, sans porter atteinte au patrimoine et à l’environnement des Parisiens.
Différents éléments du monastère, comme sa chapelle et son mobilier, non concernés par le présent permis, mériteraient par ailleurs d’être protégés au titre des monuments historiques.
Sites & Monuments, Julien Lacaze
FNE Paris, Christine Nedelec
Paris Historique, Gregory Chaumet
SOS Paris, Christine Nedelec
Monts 14, Patrice Maire
GNSA Paris, Alexis Boniface
A.R.B.R.E.S., Georges Feterman
Lettre des associations du 4 décembre 2023 au format pdf
Procès-verbal de la commission du Vieux Paris du 21 novembre 2018
Notice architecturale du permis de construire
Parties du monastère de la Visitation non protégées à ce jour (mais non incluses dans le présent permis de démolir) :