L’actuel siège de la société Sanofi-Avantis, situé au 14 boulevard Richelieu, à Rueil-Malmaison, a été construit en 1968 pour Sandoz. D’une modernité élégante et remarquablement dessiné, l’édifice est l’œuvre de Bernard Zherfuss (1911-1996), assisté de Jean Prouvé (1901-1984) qui a réalisé les panneaux de façade. Cet ensemble, qui se compose d’une barre de bureaux et d’un restaurant polygonal posé sur une pièce d’eau, est admirablement inséré dans le parc protégé au titre des sites de l’ancien château du cardinal de Richelieu, transformé au XIXe siècle pour le maréchal Masséna.
C’est la qualité de cet ensemble du second XXe siècle, représentatif des Trente Glorieuses et de l’architecture française contemporaine, qui a décidé la SPPEF a intervenir, aux côtés de l’association Docomomo, pour la sauvegarde de cet édifice non protégé (voir "Sites et Monuments", n° 217). Son propriétaire a souhaité en effet le raser entièrement, afin de réaliser à la place un nouveau siège, confié à l’architecte Patrick Berger. Après avoir longuement hésité, le ministère de la Culture (alors dirigé par M. Mitterrand) a finalement autorisé cette destruction, au nom de la qualité du projet à venir.
A l’évidence, cet argument est faible sur le plan intellectuel, car à ce compte là, on peut raser tout le patrimoine, puisqu’il suffit de considérer comme "de qualité" tout bâtiment qui se substituerait à un édifice ancien... Mais c’est surtout, c’est l’incohérence du ministère qui, une fois de plus, surprend. Alors qu’il a créé le label "patrimoine du XXe siècle", alors qu’il n’a eu de cesse de valoriser les édifices du XXe siècle au nom d’un retard dans les protections, le ministère montre, ces dernières années, une totale incapacité d’expertise. Il aura fallu toute l’énergie des citoyens pour que, dans l’affaire de la halle Freyssinet (Paris XIIIe), une protection soit enfin accordée par le préfet d’Ile-de-France, conformément aux vœux répétés des plus grands spécialistes et du vœu de la CRPS. A Rueil, malgré l’année Prouvé, le sort en a décidé autrement, alors qu’il s’agit d’un édifice remarquable, et dont l’intégration au site fut, fait rare à l’époque, très soignée par les concepteurs, ce dont témoigne de manière frappante l’auvent du hall qui est traversé par un arbre ancien.
La SPPEF a donc décidé de soutenir le recours gracieux, depuis devenu contentieux, porté par Docomomo France, qui a déféré à la censure du Tribunal administratif le permis de démolir délivré par la mairie. L’affaire est toujours pendante.
Convaincu qu’il existe des solutions alternatives, notre association demande aux autorités et aux élus de tout tenter pour sauver, avec le propriétaire, un ensemble d’une haute valeur architecturale et représentatif des années 1960. A.G.