En 2019, mademoiselle Laurent, sans héritier lègue à une association sa maison et son parc arboré situés au 77 avenue Paul Machy, à Oye-Plage.
Il s’agit d’une maison de maître présente sur le cadastre depuis 1833. La famille Laurent disposait d’une importante exploitation agricole et d’une activité de sécherie de chicorée (voir par exemple ici). Témoins des pratiques agricoles locales, quatre d’entre elles sont aujourd’hui protégées par le PLU de la commune (voir ci-dessous).
La bâtisse est construite en briques jaunes, typiques du Calaisis. Sa façade sur rue est peinte d’un badigeon rose, sa toiture est pourvue d’un œil-de-bœuf et d’une élégante crête de faitage en zinc. Son jardin sur rue possède quatre imposants arbres en topiaire. Le bâti est en bon état et la toiture a été refaite très récemment avec des matériaux de qualité, dans le respect du caractère du bâtiment.
Deux ans plus tard, l’association décide de revendre les biens légués. Le maire de la commune de Oye-Plage, lors de son conseil municipal d’octobre 2020, décide d’acquérir l’ensemble pour la somme de 255 000 € hors frais.
Questionné sur le projet futur, la municipalité considère que la maison est vétuste. Elle envisage sa démolition pour réaliser des logements destinés aux anciens.
La maison est située en plein centre bourg à proximité de l’église Saint-Médard (comportant notamment un orgue classé, voir ici). Elle forme avec cette église, l’ancien presbytère, la mairie et le monument à Notre-Dame de Boulogne (1946) un ensemble intéressant dans le centre historique de la commune, sur la route principale qui conduit à la réserve naturelle nationale du Platier d’Oye classée en 1987.
Sa destruction dénaturerait le paysage du centre-ville. Pourquoi le projet de la mairie serait-il incompatible avec une réutilisation de ce témoin de la vie rurale et des sécheries ?
L’association locale de défense de la culture en territoire rural "Grange’Art", très soucieuse du devenir de cette bâtisse, en demande la conservation. La municipalité serait effectivement bien inspirée de renoncer à cette destruction, tout en protégeant les séquences urbaines de qualité de la commune au titre de son Plan local d’urbanisme (voir ici).
C’est ce que permet l’article L. 151-19 (ancien article L. 123-1-5) du code de l’urbanisme : "Le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et identifier, localiser et délimiter les quartiers, îlots, immeubles bâtis ou non bâtis, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à conserver, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d’ordre culturel, historique ou architectural et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation leur conservation ou leur restauration. Lorsqu’il s’agit d’espaces boisés, il est fait application du régime d’exception prévu à l’article L. 421-4 pour les coupes et abattages d’arbres." Voir ici et ici
Si l’avenue Paul Machy bénéficie dans le PLU actuel d’un "linéaire de protection de la diversité commerciale", rien n’est malheureusement prévu pour en sauvegarder la forme urbaine, la commune se contentant de protéger, ponctuellement, 10 édifices (et non secteurs) pour leur intérêt patrimonial (voir ci-dessous). On note que l’arrière du jardin de la maison Laurent, comportant de beaux arbres, est "réservé" pour la création d’un "espace public" (zone hachurée).
Le délégué départemental de Sites & Monuments accompagne "Grange’Art" dans son action pour la conservation de ce patrimoine modeste. Par ailleurs, une pétition a été lancée pour la sauvegarde du bâtiment.
Godefroy Laisné, délégué de Sites & Monuments pour le Pas-de-Calais