A l’occasion de notre action contre l’urbanisation d’un terrain situé à Ville-d’Avray (Hauts-de-Seine) en bordure de la forêt domaniale de Fausses Reposes et mitoyen d’un pavillon de chasse construit par l’architecte Gabriel pour Louis XV, nous publions ce texte rédigé par les riverains du projet choqués par la rhétorique municipale le justifiant.
En matière d’emballage, certains s’y entendent. L’heure est au vert ? Mettons du vert ! A commencer par le logo de la ville, agrémenté d’une petite feuille pour enfoncer le clou !
La seule feuille qui restera bientôt dans la commune, au train où vont les choses…
De fait, depuis l’adoption du nouveau Plan Local d’Urbanisme (PLU), plus permissif pour certaines zones de la ville que l’ancien Plan d’Occupation des Sols (POS), la croissance des projets est inversement proportionnelle à celles des arbres : certaines parcelles, qui étaient considérées comme « hors zone agglomérée » (non traitées par le POS), voire directement dans le périmètre de protection de la forêt de Fausses Reposes, n’y sont plus (par quel obscur tour de passe-passe ?) et deviennent constructibles.
Autrement dit le PLU, au lieu d’être plus protecteur de l’environnement (est-il besoin de rappeler le contexte de la COP 21 ?), a été conçu comme un outil au service d’ambitions immobilières débridées, à rebours des attentes citoyennes. Afin de ne pas évoquer trop directement les constructions à venir, la communication municipale préfère cependant parler de « revitalisation » des quartiers.
Voici l’exemple de « revitalisation » qui nous retiendra :
Comment ce projet a-t-il été rendu possible ? Tout est affaire d’« emballage », comme nous allons le montrer.
Pour faire passer l’idée d’un nouveau PLU - à certains égards moins regardant que l’ancien POS - rien de tel que les vieilles méthodes éprouvées des écoles de ventes et de marketing :
1° Trouver de beaux slogans pour la vitrine ;
2° Minimiser les « menus » inconvénients ;
3° Faire croire au client que c’est de lui que vient le choix.
Disons-le d’emblée : les formes ont été respectées, du moins cela en a toute l’apparence. A y regarder de plus près, cependant, on décèle quelque chose de retors, à tout le moins concernant la partie Ouest de la rue de Versailles.
Pourquoi parler d’un fait local si peu emblématique ? Parce qu’il est néanmoins très représentatif des subtiles manœuvres qui conduisent au dévoiement des règles supra-communales, telles qu’énoncées dans les documents comme le SDRIF (Schéma Directeur de la Région Île-de-France), notamment concernant le respect de la bande de 50 mètres inconstructibles en lisière de forêt, tel qu’on devrait le comprendre :
Ci-après, donc, la chronique de l’assoupissement orchestré de la vigilance citoyenne :
Le 11 avril 2013 est présenté aux habitants de Ville-d’Avray le projet de nouveau PLU.
Il se veut rassurant sur l’avenir de l’environnement de la commune en général : « protéger strictement la forêt », donc sa lisière vitale, s’imagine-t-on un peu naïvement, a fortiori le long de la rue de Versailles, puisque cet axe traverse le massif forestier.
Le sort de cette dernière est cependant évoqué en des termes sibyllins : « rue de Versailles : travail en cours pour la prise en compte de la proximité de la forêt (retrait des limites de fonds de terrain) ».
A la lecture de ces propos lénifiants, on se dit que tout va bien. Qui, sur ces bonnes paroles, irait ensuite lire un PLU technique dont le seul rapport de présentation compte 180 pages ? Les citoyens ont mieux à faire de leur week-end !
Il fallait pourtant lire très précisément le PLU qui, par un glissement subtil, transformait le concept de « prise en compte de la proximité de la forêt » en un très prosaïque « site potentiel d’intensification urbaine ».
Bien plus tard, en septembre 2105 - alors que les délais de contestation du PLU sont forclos - ces notions allaient être explicitées par le journal de la ville, Ville d’Avray Info n°279, lu par une partie seulement de la population et n’offrant pas de tribune aux contradicteurs.
Ainsi, y découvre-t-on, en page 9, alors que le numéro était largement consacré à la rentrée 2015 - souci premier des concitoyens en ce mois de septembre - un article sur la rue de Versailles, agrémenté d’une grande photo verdoyante et ne correspondant pas à la zone de cette rue (très étirée) où la ville nourrit ses intentions bâtisseuses :
Rien d’inquiétant donc, à première vue ! Dormez bien bonnes gens… Mais, pour qui se donne la peine de bien lire, le texte est pourtant édifiant :
1° D’entrée, on y justifie le projet d’aménagement du quartier par la vox populi en faisant référence à une enquête publique (dont les résultats n’ont jamais été rendus… publics !) Selon cette enquête, les riverains auraient été « nombreux à souhaiter que des actes précis viennent matérialiser [l’] engagement » municipal de « revitalisation » du quartier ; mais aussi à réclamer des espaces paysagers de jeux et de jardinage.
En l’absence du résultat publié de l’enquête publique, il est permis de s’interroger sur la proportion de la population ayant formulé ces attentes. Une chose est certaine en tout cas : lors de la seconde réunion publique, on a surtout entendu les riverains s’exprimer sur leur souhait de voir leur environnement préservé !
2° Or la municipalité se contente, à ce propos, de retenir ce qui l’intéresse, en un exercice de haute voltige littéraire : « réserver l’identité forestière, ce n’est certainement pas renoncer à améliorer la vie dans ce quartier »… « cela passe par un soin particulier porté aux perspectives visuelles sur les espaces boisés et sur les jardins, ainsi qu’à la valorisation des lisières ».
L’émotion saisi le lecteur devant tant de louables intentions…
Seuls quelques « passéistes » à l’esprit chagrin pourraient regretter la traduction bien concrète de ces belles paroles :
3° Enfin, à la fin de l’article, nous découvrons le véritable motif de ce projet à l’architecture quasi stalinienne : « nous permettre de créer autour de la maison forestière des espaces paysagers de jeux, de jardinage et de découverte de la nature autour du thème de la forêt », tout en détruisant précisément cet environnement forestier !
4° Mais, foin de mauvais procès, le journal joue la transparence : « Nous ne devons évidemment pas exclure, pour garantir l’équilibre économique de l’opération, la réalisation d’une opération immobilière ». Bonne nouvelle, pour sauver la nature on vient de trouver la solution : bétonner !
5° Et de conclure brillamment : « C’est maintenant avec les riverains que nous comptons poursuivre le travail autour de l’identité de ce quartier », qui n’en aura bientôt plus !
Ne souhaitant pas, à notre tour, endormir le lecteur, nous conclurons sur l’évocation du journal Ville d’Avray info n°282 paru trois mois plus tard (décembre 2015). Nous y apprenons que :
1° « Les craintes et inquiétudes exprimées concernant le nouveau PLU sont très clairement comprises » et qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter : « Tout nouveau PLU est synonyme de changements et ses premières années sont irrémédiablement marquées par de nombreux recours et questionnements ». Donc tout va bien.
2° A l’initiative de la municipalité, un « Groupe Aimer Ville-d’Avray » s’engage dans l’élaboration d’une « charte qui accompagnera notre PLU et nous permettra de préserver le cadre ». « La charte est une opportunité pour refléter nos convictions et nos intentions, et ainsi préserver l’équilibre et l’harmonie qui caractérise notre ville ». Charte qui, est-il besoin de la préciser, n’a pas la moindre valeur juridique, n’est aucunement coercitive et ne préservera en rien des velléités immobilières. Un simple leurre.
A l’appui de cet article se trouve une belle image ainsi légendée : « Photo présentée dans le projet de charte : la canopée de Ville-d’Avray » !
A mettre à nouveau en parallèle avec les véritables intentions :
Tout ceci, qui plus est, à proximité immédiate d’un des rares pavillons de chasse (la maison forestière sus-mentionnée) construit en 1755 par l’architecte Gabriel pour Louis XV et dont une demande d’inscription au titre des monuments historiques a été déposée par Sites & Monuments (on peut s’étonner qu’il ne le soit pas déjà) :
Il est à noter que ce pavillon - après ceux de La Muette et du Butard - est opportunément vendu par l’ONF :
Le projet se situe enfin sur le tracé d’un corridor de continuité écologique selon le SDRIF (Schéma Directeur de la Région Île-de-France), qui impose de « pérenniser l’intégralité de la continuité » :
…et la parcelle est vendue par le ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, se trouvant agir finalement ici à rebours de ses missions !
Il y aurait encore tant à dire, en particulier au plan juridique. Mais la justice ayant été saisie, nous en resterons là, quoique nullement las.
Le combat ne fait que commencer mais, à l’heure où nous écrivons, les travaux de construction viennent de démarrer, avec l’intention évidente de les mener à terme avant toute décision de justice.
L’argent étant le nerf de la guerre, votre contribution financière au soutien de l’action contre le projet du n°200 de la rue de Versailles à Ville-d’Avray sera la bienvenue.
Des riverains et vrais amis de Ville-d’Avray
- Lire aussi : France Domaine envisage de vendre un troisième pavillon de chasse royal pour y construire.
- Voir également le sujet du JT de France 2 du 25 octobre 2016 (à partir de 4:20)