Sites & Monuments a formé par lettre recommandée, le 18 février 2022, une demande de placement de quatre immeubles de la rue du Rival à Foix sous le régime de l’instance de classement. Le ministère a choisi d’y répondre par voie de presse, le 12 mars 2022, dans La Dépêche.
Quatre arguments sont donnés, auxquels nous tenons à répondre afin que la ministre, à qui revient cette décision, se prononce en personne sur ce dossier.
- Le ministère de la Culture explique ne recourir à une instance de classement que lorsqu’"on est face à un scandale patrimonial majeur – ce qui n’est pas le cas à Foix – et quand le chantier n’est pas aussi avancé qu’à Foix.
Le caractère majeur du vandalisme en cours à Foix est patent. L’ABF de l’Ariège s’oppose ainsi fermement à la démolition dans son avis, devenu incantatoire par l’effet de la loi ÉLAN. Celle-ci conduirait en effet à « une perte irrémédiable sur le plan architectural, historique et patrimonial de nature à altérer gravement et définitivement le caractère et la qualité » du site. Il considère ainsi que le projet touche une « très belle composition pittoresque », « première image qui s’offre de la ville ancienne » et que l’on s’attaque ainsi à la « carte postale de la ville de Foix ». L’expert du ministère de la Culture s’est ainsi prononcé on ne peut plus clairement. L’ABF précise, en outre, que le Site patrimonial remarquable (SPR) de Foix, en cours d’élaboration, a prévu de protéger ces immeubles.
Par ailleurs, l’avis de l’ABF - à l’en-tête du ministère de la Culture - date du 11 janvier 2021 et précise que "le projet tombe sous le coup de la loi ELAN". Le ministère ne pouvait donc l’ignorer. Nous avons, en outre, adressé le 18 février 2022 par LRAR une demande de placement sous instance de classement à la ministre alors que le chantier de démolition n’avait pas débuté. Cette protection limitée à un an est dispensée de tout formalisme (aucune commission n’est consultée préalablement), dans un but de célérité.
- Selon la Dépêche, le ministère souhaite "continuer" à accompagner ce chantier et faire en sorte que le "résultat soit satisfaisant sur le plan esthétique" en s’assurant de la "bonne intégration paysagère du projet".
Le bâti patrimonial n’est pourtant pas réductible à un gabarit et possède une matérialité. Dans le cas de Foix, son second œuvre est particulièrement intéressant, comme en témoignent deux portes des XVIIe (celle du moulin) et XVIIIe siècles, les galets de moraine (formés à l’ère glaciaire) mis en œuvre dans les différents bâtiments, des éléments de serrurerie ou la belle poutraison des logements détruits.
- Les services de la ministre expliquent qu’"on peut regretter que les façades de ce bâtiment soient abattues. Mais [que] les élus ont considéré que cela avait du sens."
Le problème de la loi ÉLAN est précisément de donner la possibilité aux élus, par l’utilisation des arrêtés de péril - dont la réalité est ici contestée par l’ABF (les toitures de certains des bâtiments sont neuves) - de s’affranchir d’un cadre jusqu’alors conçu comme national. Ce glissement d’un patrimoine national vers un patrimoine local, où le maire est juge et partie (autorité d’urbanisme et de protection) est malheureusement cautionné par la réponse du ministère. Or, nous considérons que la ville de Foix, notamment par les souvenirs qui s’y rattachent, appartient bien à chaque Français.
- Le ministère admet que cette "disposition de la loi [ÉLAN] peut poser problème et mérite une forme d’évaluation", qu’"il y a quelques cas en France, dont celui de Foix, qui interrogent [et méritent] sans doute de lancer une mission d’inspection du patrimoine pour voir comment traiter ce sujet."
Cette réaction tardive laisse songeur, alors que les travaux parlementaires de la loi ÉLAN avaient fait en 2018 l’objet d’une levée de bouclier annonçant avec précision les destructions actuelles. Le ministère de la Culture a ainsi la mémoire courte.
Le cas de Foix est révélateur des effets d’une politique de dérégulation tous azimuts en matière patrimoniale.
Julien Lacaze, président de Sites & Monuments
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