Les associations de défense du Patrimoine, réunies au sein du "G8 patrimoine" se réjouissent du large consensus politique qui s’est établi entre les groupes et le Gouvernement sur les dispositions concernant l’isolation par l’extérieur. Elles soutiennent le texte du Sénat en suggérant toutefois quelques ajouts qui paraissent utiles à l’intérêt général.
Mesdames, Messieurs les sénateurs,
Mesdames, Messieurs les députés,
Le projet de loi sur la transition énergétique vise notamment à favoriser l’isolation par l’extérieur des bâtiments, mesure particulièrement dangereuse pour le petit patrimoine et la qualité architecturale des villes puisqu’elle suppose la destruction préalable des décors et éléments de modénature existants. Rappelons à ce propos que l’Architecte de bâtiments de France, susceptible de s’opposer à ces dénaturations, n’est compétent, toutes zones de protection confondues, que sur moins de 10 % du territoire national. L’isolation par l’extérieur est en outre inutile pour les bâtiments construits en matériaux traditionnels. Une circulaire du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie du 22 juillet 2013 précise ainsi que « Les bâtiments construits avant 1948, représentant environ le tiers du parc de logements, bénéficient de performances énergétiques relativement bonnes proches des constructions du début des années 1990 » (NOR : ETLL1317124C, article 5. 2. 4). Signalons que la déperdition - faible sur ce type de bâtiments - est d’à peine de 20 % par les parois murales, et ne concerne, en toute hypothèse, comme le précise la circulaire, que 30% du parc des logements existants. L’isolation par l’extérieur compromet en outre souvent la bonne conservation des bâtiments (pourrissement des bois mis en oeuvre) et la santé de leurs occupants en s’opposant au bon renouvellement de l’air intérieur (lire la position complète des associations).
—• Le projet déposé par le Gouvernement comportait en effet les mesures suivantes :
- l’une tendant à priver d’effets les dispositions des documents d’urbanisme susceptibles de s’opposer à une isolation par l’extérieur (par une réglementation de la hauteur, de l’emprise au sol ou de l’aspect des façades) ;
- l’autre tendant à rendre obligatoire, sauf « disproportion manifeste », l’isolation par l’extérieur des façades en cas de « travaux de ravalement importants », les catégories de bâtiments concernés devant être déterminées par décret.
• —Les associations nationales de protection du patrimoine reconnues d’utilité publique, groupées au sein du « G8 patrimoine », souhaitaient (voir leurs propositions d’amendements) que ces deux prescriptions ne s’appliquent qu’aux bâtiments les plus énergivores, construits après 1948 (date déjà adoptée par la réglementation thermique), qui représentent les 2/3 du parc des logements. Elles ont obtenu, à titre de compromis, que :
- le maire reste maître de son document d’urbanisme, le projet de texte lui donnant cependant la possibilité d’y déroger afin de permettre une isolation par l’extérieur, cette possibilité de dérogation motivée ne s’appliquant pas aux « édifices construits en matériaux traditionnels » ;
- les « travaux de ravalement importants » n’entraînent plus une obligation « d’isolation par l’extérieur », mais une simple obligation « d’isolation », plus largement conçue, à définir par décret.
• Dans le cadre de la Commission mixte paritaire, les associations demandent aujourd’hui :
- le maintien de l’impossibilité de déroger aux dispositions des documents d’urbanisme pour les bâtiments construits en matériaux traditionnel. En effet, de nombreuses isolations par l’extérieur, effectuées dans le cadre ou hors du cadre des documents d’urbanisme actuels, font tout craindre de cet assouplissement (voir d’autres photographies). De telles dérogations auront, par ailleurs, l’inconvénient de rendre l’application des documents d’urbanisme imprévisibles ;
- que l’obligation d’isolation pour le bâti traditionnel soit limitée - si le Gouvernement souhaite abandonner la voie de l’incitation - à celle des combles, source principale de déperdition de chaleur pour ces constructions (ce qui n’interdit nullement d’autres modes d’isolation, non obligatoires et réalisés dans le cadre de la réglementation existante). Cette mesure permettrait un gain de surface habitable sans dégrader les qualités patrimoniales du bâti, tant en façade, en toiture (remplacement des tuiles induite par sa surélévation), qu’à l’intérieur des habitations (lambris, boiseries, stucs à préserver…). Le "G8 patrimoine" souhaite que ces précisions soient introduites dans le cadre de la loi ou, à défaut, que le Gouvernement prenne l’engagement devant le Parlement de les intégrer à son décret d’application ;
- que les bâtiments labellisés « patrimoine du XXe siècle », bien que non construits en matériaux traditionnels, soient exclus du champ des dérogations aux documents d’urbanisme et de l’obligation d’isolation par l’extérieur.
Les associations du « G8 patrimoine » insistent sur l’importance de contenir l’isolation des bâtiments anciens dans des limites raisonnables et soulignent les graves atteintes déjà portées à nos façades par le remplacement systématique de leurs menuiseries anciennes.
Dans la presse :
La Tribune de l’Art (1) : lire l’article
La Tribune de l’Art (2) : lire l’article
Télérama : lire l’article
L’Express : lire l’article
Le Journal des Arts : lire l’article
Vieilles maisons françaises : lire l’article
Proposition des associations (en rouge) :
Article 3
– Après l’article L. 123-5-1 du code de l’urbanisme, il est inséré un article L. 123-5-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 123-5-2. – L’autorité compétente pour délivrer le permis de construire, le permis d’aménager et prendre la décision sur une déclaration préalable peut, par décision motivée, déroger aux règles des plans locaux d’urbanisme, des plans d’occupation des sols et des plans d’aménagement de zone, dans les conditions et selon les modalités définies au présent article.
« Il peut ainsi être dérogé, dans des limites fixées par un décret en Conseil d’État, aux règles relatives à l’emprise au sol, à la hauteur, à l’implantation et à l’aspect extérieur des constructions afin d’autoriser :
« 1° La mise en œuvre d’une isolation en saillie des façades des constructions existantes ;
« 2° La mise en œuvre d’une isolation par surélévation des toitures des constructions existantes ;
« 3° La mise en œuvre de dispositifs de protection contre le rayonnement solaire en saillie des façades.
« La décision motivée peut comporter des prescriptions destinées à assurer la bonne intégration architecturale du projet dans le bâti existant et dans le milieu environnant. »
« La capacité dérogatoire prévue au présent article ne peut s’exercer pour des édifices ou parties d’édifices construits en matériaux traditionnels ou bénéficiant du label patrimoine du XXe siècle.
Article 5
– L’article L. 111-10 du code de la construction et de l’habitation est ainsi rédigé :
« Art. L. 111-10. – Tous les travaux de rénovation énergétique réalisés permettent d’atteindre, en une fois ou en plusieurs étapes, pour chaque bâtiment ou partie de bâtiment, un niveau de performance énergétique compatible avec les objectifs de la politique énergétique nationale, définis à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, en tenant compte des spécificités énergétiques et architecturales du bâti existant.
« Un décret en Conseil d’État détermine :
[...]
« 3° Les catégories de bâtiments existants qui font l’objet, lors de travaux de ravalement importants, de travaux d’isolation, excepté lorsque cette isolation n’est pas réalisable techniquement ou juridiquement ou lorsqu’il existe une disproportion manifeste entre ses avantages et ses inconvénients de nature technique, économique ou architecturale ;
« 4° Les catégories de bâtiments existants qui font l’objet, lors de travaux importants de réfection de toiture, d’une isolation de cette toiture, excepté lorsque cette isolation n’est pas réalisable techniquement ou juridiquement ou lorsqu’il existe une disproportion manifeste entre ses avantages et ses inconvénients de nature technique, économique ou architecturale ;
[...]
L’isolation visée aux 3° et 4° du présent article, lorsque les bâtiments concernés ont été édifiés en matériaux traditionnels, ne pourra être obligatoire qu’en sous-toiture. L’isolation des bâtiments bénéficiant du label patrimoine du XXe siècle sera étudiée au cas par cas.
« Le décret en Conseil d’État mentionné au deuxième alinéa du présent article est pris dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n° du relative à la transition énergétique pour la croissance verte. »
Source : http://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2014-2015/264.html