Sites & Monuments a saisi l’occasion d’une nouvelle demande de consultation, le 24 septembre 2019, d’un dossier d’exportation - que le ministère de la Culture refuse toujours de communiquer malgré un avis favorable de la CADA (voir ici) et une dématérialisation systématique - pour proposer une réforme de la délivrance des certificats d’exportation des biens culturels.
Il est en effet frappant de constater, dans ce domaine évidemment sensible, l’absence de collégialité des décisions d’octroi des certificats d’exportation. L’article R. 111-8 du code du patrimoine prévoit ainsi que « L’examen de chaque demande de certificat est confié, par le ministre chargé de la culture, à une ou plusieurs personnes qui apprécient l’intérêt historique, artistique ou archéologique du bien », c’est-à-dire, en pratique, aux chefs des « grands départements » du musée du Louvre et de quelques autres musées parisiens. La constitution d’une « délégation permanente » de la Commission consultative des trésors nationaux permettrait de remédier à cette concentration des décisions. Elle serait chargée, à l’image de celle des CRPA comprenant aujourd’hui 10 membres, d’« émettre un avis favorable [d’exportation] au nom de la commission ou de se prononcer pour le renvoi de ces demandes devant la commission réunie en formation plénière. » (art. R. 611-23 du code du patrimoine adapté).
Cette délégation permanente comprendrait des représentants des musées de région, comme de l’administration des monuments historiques, afin d’envisager une acquisition par un musée local ou des solutions de protection contextuelles. La procédure de classement comme trésor national devrait en effet pouvoir régulièrement aboutir à une protection au titre des monuments historiques, le cas échéant assortie d’une servitude de maintien in situ - en dotant ces servitudes d’une contrepartie fiscale (voir ici) - ou a un achat par une structure - la Fondation du patrimoine (voir ici) - susceptible de déposer des œuvres dans un monument historique ouvert au public.
Malgré des seuils de déclaration trop hauts (150 000 euros pour un tableau ou 50 000 euros pour une meuble, voir ici), la procédure de délivrance des certificats offre en effet une vision d’ensemble irremplaçable aux professionnels du patrimoine dans toute leur diversité, permettant - indépendamment du mécanisme de classement comme trésor national - de repérer en amont des objets à acquérir en vente publique ou d’opérer une alerte sur le démembrement de tel ou tel ensemble mobilier.
La réforme ici proposée a l’avantage de pouvoir être mise en oeuvre par simple décret et ne nécessite pas de modifier le rythme des réunions de la Commission consultative des trésors nationaux, convoquée une dizaine de fois par an.
Julien Lacaze, Président de Sites & Monuments