Sites & Monuments avait demandé, le 15 mars 2021, de concert avec les associations Verdun-Miribel et Engagement Citoyen pour le Montargois, le placement sous instance de classement des casernes Miribel de Verdun et Gudin de Montargis (voir ici). Dans les deux cas, les bâtiments avaient été cédées par le ministère des Armées, sans protection préalable, aux municipalités qui ont délivré un permis de démolir. Seul celui de la caserne Gudin faisait l’objet d’un contentieux, avec l’appui de notre association.
Faute de réponse du ministère de la Culture à notre demande, la superbe caserne Miribel, éminemment signifiante dans une ville symbolisant à elle seule l’effort militaire de la première Guerre Mondiale et faisant l’objet d’une recommandation de protection de la CNPA, a été détruite en juin 2021, démolition scandaleusement financée par l’État au titre de son « Action cœur de ville » (voir ici), point dont nous avions saisi le Président de la République, tandis que le sort de la caserne Gudin restait en suspens.
Alors que les pelles mécaniques s’acharnaient sur la caserne de Verdun, la demande de protection de celle de Montargis était présentée, le 29 juin 2021, à la Commission régionale du patrimoine et de l’architecture (CRPA) du Centre et finalement votée. Signalons que la représentante à la commission de Sites & Monuments n’a pu voter, la demande de protection émanant de notre association (pourtant désintéressée et reconnue d’utilité publique), alors que les représentants de la filière éolienne ont voix délibérative dans les Commissions Départementales de la Nature, des Paysages et des Sites (CDNPS) (voir ici)... Une inscription au titre des monuments historiques a, en conséquence, été proposée à la préfète de Région, dont c’est la compétence (contrairement aux classements, du ressort de la ministre).
Dans le même temps, le 19 août 2020, la ministre de la Culture annonçait, à notre grande satisfaction, le placement sous le régime de l’instance de classement de la caserne Gudin. Tous les effets du classement s’appliquent ainsi aux bâtiments de la caserne pendant un an en application des dispositions de l’article L. 621-7 du code du patrimoine.
Cette mesure - sorte de classement temporaire - était en effet la seule à pourvoir techniquement contrer un permis de démolir déjà délivré, une inscription au titre des monuments historiques ne le permettant pas, faille dans notre dispositif de protection malheureusement pérennisée par le refus de notre Président de la République de ratifier une ordonnance du 27 avril 2017 (voir ici])...
Fort de ce sursis, Sites & Monuments va désormais demander à la préfète du Centre-Val de Loire de bien vouloir signer l’arrêté d’inscription au titre des monuments historiques recommandé par la CRPA, qui pourrait d’ors-et-déjà s’appliquer aux bâtiments de la caserne non concernés par le permis de démolir et permettre, le cas échéant, de classer celui visé par le projet de Nexity (l’inscription doit en effet toujours précéder un classement éventuel).
Nous notons, avec ce dossier, une évolution significative de la doctrine du ministère de la Culture qui avait notamment conduit à la destruction de la chapelle Saint-Joseph de Lille. Le ministère considérait alors que : « Si cette chapelle de la fin du XIXe siècle de style éclectique n’est pas dénuée d’intérêt architectural, celui-ci n’est toutefois pas suffisant pour justifier d’un classement au titre des monuments historiques. Une décision d’instance de classement, d’une durée de validité d’un an, ne pourrait donc au mieux déboucher que sur une éventuelle mesure définitive d’inscription au titre des monuments historiques, qui ne pourrait juridiquement faire obstacle aux permis de démolir et de construire qui ont été délivrés au propriétaire » (voir ici).
Cet argument a d’ailleurs également été invoqué par la ministre concernant la caserne Miribel de Verdun afin d’en justifier a posteriori la démolition (outre des considérations fort peu convaincantes touchant à ses bâtiments annexes. Voir ci-dessus). Aujourd’hui, une instance de classement de la caserne Gudin est pourtant prise dans des circonstances tout à fait similaires...
Plusieurs facteurs ont permis cette évolution heureuse - mais toute provisoire - du dossier montargeois :
– La terrible démolition de la caserne Miribel de Verdun a tout d’abord permis une prise de conscience ;
– La situation administrative moins avancée du dossier (permis délivré, mais soumis à contentieux et cession du bâtiment non réalisée et probablement caduque) laissait du temps pour s’organiser ;
– Le retours de Russie, le 13 juillet 2021, des restes du général Gudin, natif de Montargis, et son inhumation prévue le 2 décembre 2021 aux Invalides plaidait pour la conservation des bâtiments militaires portant son nom ;
– Enfin, le poste de « Directrice des partenariats stratégiques et de la responsabilité sociétale et environnementale chez Nexity », occupé de 2019 à 2021 par l’actuelle préfète du Centre-Val de Loire (voir curriculum vitae), promoteur portant le projet de démolition, ont fait naître une obligation d’exemplarité des services de l’État.
Souhaitons que la préfète puisse rapidement trouver une solution vertueuse avec son ancien employeur (abandon ou modification radicale du projet) assurant la conservation d’un ensemble militaire dont la démolition aurait des conséquences patrimoniales, sociétales et environnementales particulièrement dommageables.
Nous espérons également que la Mme la ministre des Armées et sa ministre déléguée « chargée de la Mémoire et des Anciens combattants », pleinement compétente ici (voir ici), sauront mettre en place une procédure de protection préalable (patrimoniale ou contractuelle) à l’aliénation de notre patrimoine militaire. Le ministère des Armées ne peut en effet se laver plus longtemps les mains du sort de bâtiments porteurs d’une riche mémoire en les reléguant au statut de friches... La réponse encourageante reçue, le 31 mars 2021, de Mme Geneviève Darrieussecq (voir ici) n’a malheureusement, pour l’heure, été suivie d’aucune action concrète.
Nous recommandons, par ailleurs, l’application de la nouvelle doctrine du ministère de la Culture sur l’instance de classement au cas du monastère de la Visitation, prochaine catastrophe annoncée (il s’agit de la dernière opportunité de création d’un espace vert conséquent à Paris par la préservation d’une étonnante ferme urbaine de 1886 menacée par un permis de démolir soumis à contentieux).
Julien Lacaze, président de Sites & Monuments
Lire le communiqué de presse du ministère de la Culture
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